Aujourd’hui, j’aimerais vous parler d’une question qui revient très souvent dans la bouche des jeunes auteurs que je suis et que je coache : « Suis-je vraiment légitime pour écrire ? »
Variantes : « Qui suis-je pour écrire ? Est-ce que je peux vraiment écrire un bon roman ? Pour qui je me prends pour croire que j’écris bien ? Est-ce que je suis à la hauteur ? Quand je lis tout ce qui est publié et que je suis face à ma feuille, j’ai le sentiment d’être une crotte… Comment puis-je oser penser que je suis à la hauteur ? »
La première chose que je tiens à dire, c’est que c’est « marrant » , mais il n’y a que les gens qui écrivent qui se posent cette question de la légitimité !
Quelqu’un qui chausse ses baskets pour aller courir se dit-il : « Quand je vois les marathoniens à la télé, comment puis-je oser courir ? Je ne suis rien face à eux… » ? Non, bien sûr que non. Il chausse ses baskets et il va courir.
Pour les plus sceptiques, admettons que l’exemple du sport ne soit pas superposable à l’écriture. Dans ce cas, prenons les autres arts.
La musique : quand quelqu’un apprend à jouer de la flûte, se demande-t-il s’il est légitime à en jouer quand il la sort de son étui pour faire ses exercices ?
La peinture : Quand quelqu’un aime la peinture, se demande-t-il s’il est légitime quand il sort ses pinceaux ?
Là encore, bien sûr que non. Dans les autres arts que l’écriture, on ne se pose absolument pas la question.
En fait, cela tient d’une part à la représentation qu’on se fait de l’Auteur, et d’autre part à l’absence de formation.
La représentation collective qu’on a de l’Auteur, c’est l’écrivain maudit et génial, qui écrit à la lueur de sa bougie, en pleine nuit, habité par une muse prolixe, qui écrit du premier coup un roman digne du prix Nobel. Et lui seul serait le Vrai, le Grand, l’Unique Écrivain, le seul digne de porter ce titre prestigieux.
Soyons sérieux, si ce mec-là existait, ça se saurait. Et pourtant, l’image perdure. Allez savoir pourquoi.
Et c’est bien à Lui qu’on pense quand on se dit qu’on n’est pas légitime. On se compare à Lui. Sauf que… Ce gars n’existe pas. Ce n’est pas facile de se comparer à quelqu’un qui n’existe pas, et ce n’est jamais à notre avantage.
Les vrais écrivains, ceux de chair et de sang, ceux qui sont dans les rayons des librairies et que vous lisez, sont des gens assez normaux, en fait (bon, un peu fous, je l’admets, mais très normaux). Avec leurs doutes, leurs coups de ras-le-bol, leurs fous rires, leurs grands amours, leurs crises de « mais il est trop nul mon bouquin ! »…
Ils sont… comme vous.
L’absence de formation, d’autre part : pour tous les autres arts, il existe des écoles (écoles de musique, de danse, de théâtre, de dessin…), et même des écoles extrêmement prestigieuses.
Quand on apprend la musique, on ne se pose pas la question de savoir si on est légitime, on l’apprend et c’est tout. 🙂
Les grands musiciens, les grands comédiens, les grands peintres, les grands sculpteurs sont fiers d’afficher leurs écoles et leurs apprentissages auprès des plus grands.
Pour l’écriture, il n’y a aucune école, aucune formation (officielle en tout cas). On estime qu’on est un écrivain de naissance, ou non (et ça se rapporte à l’image de l’Écrivain que j’ai décrite ci-dessus). Soit on est directement un génie, soit on n’est pas « légitime ». Ça n’a aucun sens.
Les écrivains actuels ne peuvent pas se réclamer d’une école ou d’avoir appris de quelqu’un qui a déjà du succès ou un talent reconnu : ceci n’existe tout simplement pas ! (vu qu’on est censé être un génie d’entrée de jeu, l’idée qu’on peut avoir appris ne vient à personne)
Il n’y a qu’à voir les questions qu’on nous pose en interview.
Aux musiciens/danseurs/chanteurs/peintres/comédiens…, on demande systématiquement : « Quelle école avez-vous fait ? Qui a été votre mentor ? »
À nous, on nous demande : « Comment avez-vous eu l’idée d’écrire ? »
Ça demande réflexion, non ?
C’est quelque chose que j’entends régulièrement.
« Il n’y a pas besoin de formations pour être romancier, on apprend déjà le français à l’école ! »
Certes. On apprend la flûte à bec, aussi. Ce n’est pas pour autant que nous sommes tous de grands musiciens à la sortie du collège.
En cours de français, on apprend à écrire le français (plus ou moins) correctement, on apprend la différence entre les différents types littéraires (si on a un prof intéressant), on apprend la définition de narration, description, dialogue, figures de style (qui se rappelle ce qu’est une prosopopée ? Non ? Une homéotéleute alors ? Rendez-vous en fin de l’article pour un mini-rappel !)…
Et ceci devrait faire de nous des écrivains ? Quid de la façon de générer du suspense ? De créer un personnage inoubliable ? De glisser une émotion qui saisira le lecteur aux tripes ? La base de ce qui fait un roman, en somme ?
Nada ! Donc non, l’apprentissage du français à l’école ne suffit en rien à faire de nous des écrivains. 😉
Les jeunes auteurs n’ont guère le choix, ils apprennent seuls. En tâtonnant, en essayant de reproduire ce qu’ils aiment dans les romans des autres (consciemment ou non), en hésitant, en se trompant… dans un système qui leur laisse croire que les « vrais Écrivains » sont des êtres géniaux qui pondent un premier jet parfait du premier coup.
Évidemment que la confiance en soi en prend un coup ! Évidemment que la question de la légitimité se pose !
S’il existait des écoles pour romanciers, cette question de légitimité ne se poserait plus jamais, car ce serait normal pour tout le monde d’apprendre à être écrivain (en école, ou tout seul tel un artiste autodidacte, mais cela serait normal et accepté).
Vous écrivez ?
Vous avez le droit, vous êtes assez doué(e) pour ça, vous êtes légitime. Tout comme vous êtes légitime en commençant le solfège, la danse de salon ou l’aquarelle.
Et surtout, laissez tomber l’image de l’Écrivain parfait, il n’existe pas. 😉
Vous voulez apprendre, comme vous apprendriez n’importe quelle autre forme d’art ?
Nous sommes quelques-uns à nous lancer dans les formations pour jeunes auteurs. Pour que tout le monde se sente légitime. En fait, pour que les gens ne se posent même pas la question lorsque leur vient l’idée d’écrire un roman !
>> Toutes les infos ici : Les MasterClass de Roxane Dambre
Chose promise, chose due !
La prosopopée : figure de style qui consiste à faire parler une personne morte ou absente, ou un animal, ou une chose personnifiée, bref, un truc qui ne parle pas !
L’homéotéleute : figure de style qui consiste à donner une sonorité identique à la fin de plusieurs phrases ou mots. En clair : des rimes ! 😀
Et pour voir tous les articles de ce site sur les conseils aux jeunes auteurs, c’est là : CLIC !
Pour retrouver tous les conseils, replays de lives et masterclass, rendez-vous sur le site des masterclass !
Quel est la meilleure date pour sortir un roman ? Y a-t-il un jour, un…
Bien souvent, on zappe les majuscules accentuées car on ne sait pas (ou on ne…
Cet article est la retranscription de la vidéo La ponctuation des incises. Une vidéo de la…
Cet article est la retranscription de la vidéo Le pluriel des couleurs. Une vidéo de…
Vous écrivez un roman et la question finit toujours par se poser à un moment…
La question de l’originalité dans une histoire revient très souvent chez les jeunes auteurs. En…